Le rapport BRAYE : L'éloge de la prévention


Vers un plan national copropriété


Les turbulences électorales de ce premier semestre 2012 et leur tapage médiatique ont fait écran à l'éclairage apporté par le rapport publié en janvier 2012 par le sénateur Dominique BRAYE, Président de L'ANAH, en réponse à la mission confiée par le précédent secrétaire d'état au logement Benoist APPARU.

 

Ce document de référence « Prévenir et guérir les difficultés des copropriétés » définit clairement l'importance de ce phénomène sociétal, expose l'ampleur de la crise, et les coûts pharaoniques de son traitement. Au delà des conditions de guérison, il analyse les causes profondes de ce phénomène et ses évolutions inexorables, des premiers symptômes vers la criticité.
Il en déduit la nécessité de mettre en place un « plan national copropriété » encadrant les actions concourant à la prévention et à la guérison des difficultés des copropriétés.


De la fragilité à la criticité : vers le gouffre économique


Une copropriété est en situation de fragilité dès qu'une partie de ses copropriétaires n'est plus en mesure de payer ses charges courantes ou de faire face aux besoins de travaux d'entretien. Pour les copropriétés de plus de 30 ans l'approche de grands travaux sur le bâti ou les équipements (chaudière, ascenseur) est un déclencheur classique. Les dégradations techniques ou financières, entraînent une dévalorisation patrimoniale, l'exode des « payeurs » et la dégradation très rapide du fonctionnement de la copropriété.

 

A ce stade, la copropriété manque de tout et surtout d'argent, seule la puissance publique peut intervenir, tant pour l'opération chirurgicale de réparation du bâti que pour la mise en place de structure de portage, consistant à se substituer aux copropriétaires insolvables, et pour l'accompagnement d'une longue période de convalescence nécessaire à la remise en ordre des structures.

 

Une déficience génétique


Les maux dont souffrent la copropriété sont d'ordre génétique. Comme le souligne le rapport, c'est la primauté de l'individuel sur le collectif qui obère la capacité à réaliser des investissements communs, garants de la pérennité des copropriétés. La loi française privilégiant les droits de chaque copropriétaire par rapport à ceux de la communauté, la structure légale de la copropriété s'apparente chez nous à un « Groupement d'Intérêts individuels » alors que la finalité de la structure est d'assurer l'entretien du patrimoine commun. Sans traitement du « CO » la propriété deviendra une « friche citadine ». Les effets de la loi sont ainsi contraires, à terme, aux intérêts de ceux qu'elle veut protéger.

 

L'empilage de nouveaux textes règlementaires censés corriger ces défauts structurels, ne fait qu'ajouter à la confusion, notamment à l'heure du Grenelle, car les dispositions prévues pour favoriser la rénovation énergétique peuvent être interprétées comme incompatibles avec les règles générales. Pas étonnant donc que l'on retrouve plus d'avocats que d'architectes au chevet des copropriétés malades !

 

L'alternative économique : la prévention


Favoriser l'accession à la propriété c'est bien… organiser les moyens de l'entretenir c'est mieux !

 

Dans l'attente d'une indispensable refonte de la structure légale et de la gouvernance de la copropriété, le rapport a mis en évidence un ensemble de mesures convergentes pour conjuguer au présent comme au futur le vieux proverbe « mieux vaut prévenir que guérir ».

 

Ces recommandations concernent d'abord les copropriétaires. Acteurs principaux d'une œuvre collective, ils doivent s'investir dans leur rôle, après avoir reçu une meilleure information tant sur leurs devoirs et engagements, que sur la consistance et l'état des biens communs à entretenir.

 

Les professionnels sont naturellement impliqués, principalement les syndics. Pour regagner la confiance des copropriétaires, ils devront moderniser leur gestion et leurs pratiques. Nous identifions 5 axes principaux :
• Donner au propriétaire le sentiment « de verser à la copropriété » et non de « payer le syndic »,
• Présenter aux copropriétaires des comptes totalement indépendants, traçables et transparents,
• Généraliser les notions d'études, d'accompagnement et de cahier des charges lors des consultations de travaux, plutôt que la technique des « 3 devis » trop souvent incohérents,
• Combler le retard technologique sur la communication entre le syndic, fournisseur de service, et ses clients, les copropriétaires, à la fois sur les flux financiers, administratifs et règlementaires,
• Définir des règles de rémunération claires, comme toute activité de service, sans recherche de produits dérivés, masqués ou imposés.

 

Au moment de l'accession, les agents immobiliers, les banquiers et les notaires doivent aussi développer leur rôle de conseil auprès de leurs clients, sur les enjeux, à court, moyen et long terme du statut de copropriétaire, afin d'éviter certaines décisions irréfléchies.

 

Enfin les pouvoirs publics, conscients du risque lié à la fragilisation des copropriétés et à ses conséquences, doivent préparer à la fois des mesures d'accompagnement des copropriétés et de meilleures mesures de contrôle pour détecter très en amont les premiers signes de faiblesse.

 

Conclusion


Chacun peut apprécier la différence entre les coûts des traitements homéopathiques liés à la prévention et ceux de la chirurgie ou des soins palliatifs inhérents à la gestion des situations critiques.

 

L'esquisse du plan national copropriété, présentée dans le rapport, a le mérite de mettre tous les acteurs face à leurs responsabilités et d'éclairer la trajectoire. Ce schéma technique n'a pas de couleur politique.

 

Aujourd'hui, les élections sont passées mais les difficultés s'intensifient, espérons que ce dossier soit repris très prochainement par les nouvelles instances gouvernementales, il y a véritablement urgence.

 

Pierre OLIVIER (juin 2012)