Copropriété : programme de travaux ou plan pluriannuel ?
Les recommandations du Grenelle invitent les copropriétés à organiser leur rénovation énergétique autour de plans pluriannuels de travaux en prolongement des audits énergétiques. Est ce la bonne et unique voie ? Ce « libre-propos » vise à éclairer le choix entre programme et plan pluriannuel.
Une mosaïque de besoins
En copropriété, l'énergétique n'est jamais une question indépendante. La maîtrise de l'énergie passe par la résolution d'un système d'équations complexe intégrant le bâti, (toitures, murs, planchers, ouvrants), les équipements de chauffage et leur gestion, mais aussi les usages et comportements des résidents.
La mise à niveau du bâti est le poste budgétivore. Au coût de l'isolation des parties communes s'ajoute généralement le remplacement des huisseries et vitrages, parties privatives.
Les autres postes sont également interdépendants, par exemple le dimensionnement du système de chauffage est étroitement lié à l'isolation du bâti.
Un besoin de cohérence technique
L'ordonnancement des travaux devra prendre en compte de nombreuses contraintes techniques, les interactions entre les différents corps de métiers imposeront certaines priorités et séquences. Le coût élevé de la gestion des échafaudages peut par exemple, inciter à optimiser le partage de leur usage. En conséquence, le fractionnement des travaux peut s'avérer une opération délicate et peu économique.
La nécessité d'ingénierie financière
Notre approche de la viabilité financière d'une opération travaux en copropriété nous amène à estimer la capacité financière individuelle mobilisable de l'ordre de 50% du budget de charges courantes. Bien entendu cette valeur n'est pas une donnée absolue, mais le « curseur » sera réglé après étude de la situation financière de la copropriété (dont suivi des impayés) et évaluation du niveau moyen de ressources des copropriétaires
Pour les copropriétés trentenaires qui n'ont pas mis en place une gestion prévisionnelle de l'entretien ni mis en place de fonds travaux conséquents, ce qui est malheureusement le cas le plus général, le budget global de rénovation dépassera 5 voire 10 fois le budget de charges courantes.
Même en supposant, dans les cas favorables, l'apport de subventions de la personne publique, le reste à charge pour chaque copropriétaire dépassera largement sa capacité financière directe. Le recours à l'emprunt sera donc inéluctable.
Alternative : programme ou plan pluriannuel
En application des principes précédents, chaque fois que l'on pourra déterminer des tranches de travaux indépendantes, qui entrent dans la capacité financière du plus grand nombre, le plan pluriannuel pourra être mis en œuvre avec de bonnes chances de réussite, sans mettre en péril financier un nombre important de copropriétaires
A l'inverse si au moins une partie des travaux dépasse la capacité financière individuelle annuelle, le recours à l'emprunt devient indispensable. Cette opération qui « pompe » la capacité financière d'un grand nombre de copropriétaires ne pourra être renouvelée les années suivantes.
L'organisation d'un programme de travaux s'impose alors. Le programme de travaux consiste à voter puis à faire exécuter l'ensemble des travaux souhaités et finançables par la collectivité dans le cadre d'un chantier court (12 à 24 mois) dont le financement sera organisé par un seul emprunt remboursable sur une durée longue (7, 10 voire 15 ans).
Les économies énergétiques, en réduisant les charges courantes, viendront atténuer le coût du surplus de charges financières. La capacité financière individuelle pourra alors être maîtrisée (ajustement de la durée du prêt pour obtenir l'adhésion du plus grand nombre et maintenir la cohésion du syndicat).
Les avantages du programme de travaux
Le programme de travaux permet d'intégrer toutes les contraintes techniques et de conduire les travaux dans leur séquence naturelle en ayant l'assurance d'aller au bout de l'opération sans risque d'être remis en cause par des décisions ultérieures ou des défauts de financement.
La durée limitée du chantier présente aussi de nombreux avantages :
• Obtention plus rapide du niveau de confort et des économies attendues,
• Réduction de la durée des nuisances « chantier »,
• Valorisation plus rapide du patrimoine (transactions et locations) sans effet « tunnel »,
• Diminution des coûts de maîtrise d'œuvre et de coordination des travaux,
• Garantie des prix sur les devis négociés pour une durée maîtrisé.
Conclusion : grouper les travaux, étaler les dépenses
Les copropriétés lourdement pénalisées par une structure juridique atypique et une gouvernance inadaptée éprouvent toutes de grandes difficultés à l'approche des grands travaux liés à la maîtrise de l'énergie, tant pour leur cohérence technique que pour leur financement.
Si chaque cas est unique et les solutions contextuelles, une ligne directrice se dégage toutefois. Elle peut être résumée en parodiant la célèbre formule de Jean DELACOUR :
Les travaux c'est comme la confiture : plus on en a moins on l'étale